VI - Talent reconnu  > Commande pour le théâtre de Belfort

Au début de juillet, M. et Mme Bersier, les parents du peintre-graveur Jean-Eugène Bersier, un ami de Conrad, reçurent ce dernier à Belfort. A cette occasion, la ville concrétisa le vœu de faire décorer son théâtre en fixant son choix pour ce travail sur Kickert, Bersier et des peintres de la région. En raison de travaux préalables dans le bâtiment, les artistes retenus ne purent s’y consacrer qu’à partir du mois d’avril 1931. Kickert mit donc à profit son court séjour pour brosser sur un modeste carton la masse de la Citadelle qui coiffe sa butte comme un casque (1), pour représenter les usines de l’ami de son hôte, M. Seyrig, quelques bâtiments en rase campagne au sein d’un paysage agreste (2) et pour fixer, à l’occasion d’une excursion en automobile, la silhouette du Ballon d’Alsace (3). Cette dernière œuvre fut laissée en cadeau aux Bersier pour leur hospitalité. Ils avaient reçu Conrad avec un chaud empressement, l’invitèrent d’avance pour son séjour de travail au théâtre (4), avec sa famille si possible, et les deux générations de Bersier lui manifestèrent une amitié qui ne se démentit jamais et qu'ils étendirent aux générations suivantes.

Conrad, à la mi-juillet, retrouva à Deauville, Gée et Titanne qui l’y avaient précédé. Le séjour y fut pour eux aussi agréable que l’année précédente et comme ils s’étaient familiarisés avec les lieux et les gens, ils profitèrent davantage de la vie de la station et de ses distractions mondaines. C’est ainsi que mademoiselle Conrad – comme la nomma la Riviera normande (5) – parcourut, en tenant par la main le jeune fils du marquis de La Loë, le long podium en plein air où défilaient les enfants de célébrités pour la Journée de l’élégance enfantine à la mer, les petites filles en robe à volants et les garçons en chemise à manches longues et culotte de velours.

Kickert fit sur place, et aussi à Trouville et à Blonville, des dessins, des aquarelles (une de celles-ci servit de modèle à une lithographie (6), la seule qu’il fit jamais éditer) et des huiles. Il souffrit malheureusement en fin de séjour d’une de ces affections qu’on dénomme grippe et qui, quelle que fût sa nature exacte, le laissa fatigué jusqu’en septembre. Ceci explique sans doute que le nombre de toiles – une trentaine – qu’il peignit dans cette année 1930 est inférieur de près d’un tiers à celui des années voisines.

Lorsqu’il se sentit un peu plus vaillant, il alla avec sa famille au manoir de Vigny (7) où les Diriks les reçurent. Il peignit le clocher de la petite église que surmontait une flèche étonnamment aiguë. Inscrite au centre du paysage, celle-ci témoigne sans désemparer de son élan ambitieux (8).

(1) : "La Citadelle de Belfort" 1930 (33 x 55 cm) Opus C.30-06.
(2) : "Usines de M. Seyrig" 1930 (59,5 x 72 cm) Opus C.30-10.
(3) : Ancienne collection Bersier.
(4) : Lettre de M. P. Bersier à CK du 14 juillet 1930 (archives Gard-Kickert).
(5) : L’hebdomadaire local, dans son numéro du 27 juillet.
(6) : D’après l’aquarelle D.30-02, lithographie tirée à 25 exemplaires :
    "Colline herbue en bord de mer près de Trouville".
(7) : Au nord de Meulan, à l’ouest de Pontoise, sur l’Aubette.
(8) : "Vigny" 1930 (24 x 33 cm) Opus 30-04, et réplique en (65 x 81 cm) Opus C.30-07, coll. particulière aux Pays-Bas.

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