VI - Talent reconnu > Expositions à Amsterdam
Kickert ne fut pas moins présent aux Pays-Bas. Au premier semestre il
participa à deux manifestations de groupe organisées par la Galerie
d'art français (1). La
première permit à Cornelis Veth (le critique qui, en 1915, avait pris à
partie Kickert à propos de ses décisions sur le MKK) de rédiger un
commentaire dédaigneux (2). La
seconde ne comportait en principe que des œuvres graphiques de
peintres. Mais Conrad avait le privilège de présenter en supplément une
petite toile, sur un chevalet. Maria Viola fit l’éloge de celle-ci dans
le Handelsblad. Les gravures de Kickert retinrent l’attention du NRC (3)
et du Telegraaf, et aussi celle d’un amateur qui fit l’acquisition de
deux eaux-fortes de Ploumanac’h pour deux cent cinquante francs dont il
revint cent soixante-dix à Conrad (4). Cette exposition fut en majeure partie, transportée pour l’été dans la station balnéaire de Scheveningen (5).
Van Deene se plaignit de n’y avoir pratiquement rien vendu, mais il
régnait, en ce mois de juillet sur l’Europe, une canicule épouvantable,
propre à attirer les curistes sur le rivage plutôt que dans une
galerie. En témoigne la lettre de Gromaire qui se plaint le 6 juillet à
Conrad : "il y a en ce moment quarante degrés dans
l’atelier ; aussi je fais des courses et ma correspondance aux
heures les plus chaudes, et je travaille le matin et le soir, avec sur
le crâne un chapeau de paille que je passe de temps en temps sous le
robinet".
En septembre le Stedelijk Museum d’Amsterdam présenta l’exposition du jubilé (6).
Kickert, invité à soumettre des œuvres au jury d’admission, s’y refusa.
La direction du musée, passablement embarrassée, se résolut à lui écrire (7)
qu’il lui était accordé d’envoyer franco trois de ses œuvres,
auxquelles une place serait réservée. Kasper Niehaus dans sa critique
du Telegraaf (8) révéla le
fait en ces termes : "Il [CK] fait penser, non seulement dans son
œuvre mais dans sa vie, à Courbet. C’est ainsi par exemple que cette
fois-ci il a refusé – avec raison – de se soumettre au jugement d’un
jury". L’article de Niehaus contenait une autre attaque contre le
musée : "L’État français a déjà acheté un certain nombre de ses
natures mortes, genre dans lequel il excelle, alors que l’on cherche
vainement son œuvre dans nos collections publiques". Comme on le verra
plus loin, Niehaus posait des jalons pour faire accepter une toile de
Kickert par le musée sous forme d’un prêt de longue durée, projet
caressé par Kickert, encouragé par Hodebert, tous les deux secondés par
van Deene. Le refus d’un jury ne se rattachait pas à ce plan. C’était
une manifestation d’amour-propre, voire de susceptibilité, comme
l’avait été sa réponse à Plasschaert.
Les trois œuvres exposées au Musée de la ville d’Amsterdam étaient "les Poissons" (9), "le Lapin blanc" (10) et "la Cour de Préfleury" (11). Outre Niehaus, Maria Viola en dit du bien dans le Handelsblad. Le NRC se contenta de donner une reproduction du "Lapin blanc", sans commentaire.
Fin septembre, de nouveau chez van Deene, Kickert exposa avec ses amis français (12). Just Havelaar loua son envoi (13),
le félicitant des progrès en clarté et simplicité qu’il avait faits en
France et de son influence sur tout un groupe de peintres français, à
propos desquels il donna aussi des appréciations flatteuses. Hennus (14)
se contenta de faire l’éloge d’illustrations de Boussingault pour un
ouvrage hippique puis d’une toile de Moreau sur laquelle il
conclut : "C’est rempli de ces qualités de bonne origine, que je
ne trouve pas ici dans une nature morte de notre compatriote Kickert.
On dit que celui-ci exerce une influence sur ses contemporains
français. La nature morte de Moreau démontre qu’il a aussi des leçons à
prendre chez eux".
(1) : Essai d'une collection (9
peintres : Yves Alix, Jean-Louis Boussingault, Conrad Kickert,
Charles Dufresne, André Dunoyer de Segonzac, Marcel Gromaire, Jean
Marchand, Luc-Albert Moreau, Paul Signac) du 26 février au 10 mars
1923. Peintres graveurs indépendants. Du 23 mai au 16 juin 1923. On
présentait les dessins, eaux-fortes ou lithos de 16 peintres
(Boussingault, Coubine, Dufresne, Fauconnet, Frelaut, Galanis, Kayser,
Kickert, Laboureur, Marie Laurencin, Lespinasse, Levy, Pascin, Vera,
Vergé-Sarrat, Vlaminck).
(2) : In Nieuws van den dag, au début de mars 1923.
(3) : Nieuwe Rotterdamsche Courant du 17 juin 1923, article signé de Meester.
(4) : Lettre de van Deene à CK du 26 juin 1923 (archives Gard-Kickert).
(5) : Lettre de van Deene à CK du 30 septembre 1923 (archives Gard-Kickert).
(6) : Pour célébrer les vingt-cinq ans de règne de la reine Wilhelmine.
(7) : Le 19 juillet 1923 (archives Gard-Kickert).
(8) : Du 13 septembre 1923.
(9) : "Les Poissons" 1923
(129 x 92 cm) Opus 23-24 ; cette œuvre figure dans les
collections du musée d'Arnhem qui l'a prêtée depuis au musée de Wieger
à Deurne. Cf. 1924, p. 186, notes 11.
(10) : "Le Lapin blanc" 1923 (128,5 x 92 cm) Opus 23-19.
(11) : "La Cour de Préfleury" 1922 (81 x 100 cm) Opus A.22-35.
(12) : Essai d'une collection
II (12 peintres : Alix, Valdo Barbey, Boussingault, Dubreuil,
Dufresne, Gromaire, Huyot, Kickert, Lotiron, Marchand, Moreau,
Segonzac) du 20 septembre au 6 octobre 1923.
(13) : In de Telegraaf, date indéterminée.
(14) : In de Amsterdammer du 6 octobre 1923.