X - L'après-guerre > Conrad roule pour la SNCF
Les deux autres compositions réalisées en 1947 reprenaient un sujet
souvent traité par Kickert : un peintre et son modèle. Le peintre
y était montré dans la phase préparatoire de son travail, jaugeant les
difficultés, examinant le modèle ayant déjà pris la pose et se
demandant si la posture ou l’angle de vue devaient être modifiés.
L’une de ces deux compositions, titrée "Eve de Montparnasse"
, doit pourtant être évoquée parce qu’elle ne laisse personne
indifférent, un intérêt qui a des raisons multiples. L’attitude du
peintre et l’expression de son visage traduisent sa perplexité. Il a
l’air d’être absorbé par une énigme sans qu’on puisse deviner laquelle.
Le problème technique posé ? Une appréciation charnelle ? Un
désir ou des souvenirs ? Le modèle, objet de cette méditation,
constitue la figure majeure de l’œuvre (1).
Elle est allongée sur le dos, les bras à demi levés et pliés, ses deux
mains croisées au-dessus de la tête, le visage expressif en dépit des
yeux fermés. Le corps doré, comme uniformément bronzé au soleil,
s’étend en diagonale vers le haut à gauche. Il y a, disposés à la
hauteur de sa tête, un livre entrouvert et un plat de cuivre sur lequel
est posée une grosse pomme rouge. A cause de la pomme, Kickert l’a
baptisée Eve et, à cause de son métier, elle est ressortissante de
Montparnasse. On ne pourra pas empêcher certains de penser que cette
explication du titre est bien simpliste et que la puissance de ce nu le
rattache de plus près à notre mère à tous. Si l’on va par-là,
l’hésitation de son compagnon trouve un motif sérieux.
Une expérience bien différente avait marqué la fin de 1947. Maurice
Guierre, un officier de marine dont le fils avait séjourné en Auvergne
avant de mourir, place de l’Odéon, sur une barricade à la Libération de
Paris, avait été contraint par les vicissitudes de la flotte française
à se reconvertir en administrateur d’une agence de publicité. Il
recommanda Conrad à la Société nationale des chemins de fer français
dont il éditait les affiches sur les grandes régions françaises. Après
une visite rue Boissonade, le chef du service commercial de la SNCF
agréa Kickert pour créer une affiche présentant l’Auvergne. Conrad en
s’inspirant de deux tableaux de 1945 (2)
qu’il combina, peignit un paysage synthétisant les caractères de la
région. Tirée à des centaines d’exemplaires, l’affiche ne comporte pas
de texte publicitaire mais seulement le titre "AUVERGNE" .
Placardée dans les gares de France à partir de 1948 et durant une
vingtaine d’années, elle ne se rencontre plus guère. Plébiscitée par
les Auvergnats, elle était fréquemment décollée par ceux-ci et quelques
autres qui se l’appropriaient. L’original peint appartient à la SNCF.
(1) : "Eve de Montparnasse" 1947 (140 x 112 cm) Opus 47-08.
(2) : "Saint-Chamant" 1945 (81 x 65 cm) Opus 45-02 ;
"Vallée de la Cère" 1945 (92 x 73 cm) Opus 45-03.