II - Cercle de l'art moderne > Création du Cercle de l'art moderne (MKK)
Mondrian et Spoor avaient cherché à se renseigner sur les réactions de
Toorop, jugeant qu’il était risqué pour eux de s’embarquer derrière
Kickert si Toorop de son côté s’abstenait, mais que, dans le cas où
Toorop accepterait la présidence du mouvement en gestation, ne pas en
être serait une erreur. La position de Sluyters était exactement la
même. Dans une lettre adressée le 7 juillet 1910 à Spoor, il exposait
les idées de Kickert et aussi les siennes (parmi ces dernières :
partage des frais, des cimaises et placement tiré au sort), sur
l’intérêt de créer une sorte d’association en faveur des peintres
modernes ; il encourageait Spoor à y adhérer ("vous en êtes d’office"), mais dans un autre paragraphe il résumait ainsi sa position personnelle : "si Toorop y va, j’irai".
Toorop y alla, grâce à Kickert et, du coup, Sluyters et beaucoup
d’autres y allèrent, bien que leurs motifs fussent très loin de ceux,
nobles et désintéressés, des deux premiers ; et très voisins de
ceux dont Toorop avait souffert dans ses expériences précédentes.
Cependant, Kickert n’était pas homme à laisser dénaturer son projet.
Les idées de Sluyters sur la question ne furent pas appliquées et Spoor
ne fut jamais invité à participer au nouveau groupe. Le Moderne Kunstkring (MKK) (Cercle de l’art moderne) fut fondé le 28 novembre 1910 (1)
par Kickert. Il importe de dire d’emblée qu’il en fut le seul créateur,
qu’il en développa toutes les activités en y donnant le temps qu’il
fallait, qu’il fit toutes les démarches et tous les déplacements
utiles, même à l’étranger, qu’il prenait toutes les décisions et
initiatives nécessaires, qu’il finança de sa poche toutes les
manifestations et plus généralement prit en charge tous les frais sans
que personne d’autre n’y contribuât. Non content d’y engloutir la
majeure partie de sa fortune, Conrad consacra le reste à soutenir les
artistes dont il admirait le talent, achetait de leurs œuvres
constituant une large collection qu’il donna en 1934 à La Haye, sa
ville natale. On chercherait en vain dans l’histoire de l’art un autre
peintre qui se serait ruiné à exposer les œuvres de ses collègues, et à
les leur acheter.
A côté de Toorop à la présidence, Kickert plaça au bureau de
l’association Piet Mondrian et Jan Sluyters, se contentant lui-même du
titre de secrétaire. Le MKK connut deux périodes. La première comporte les trois expositions qui se succédèrent en 1911, 1912 et 1913 au Musée municipal d’Amsterdam. La seconde période, après une interruption en 1914 due à la Grande Guerre (2),
fut marquée par les expositions de 1915 et de 1916 qui eurent lieu dans
des conditions bien différentes. Ces deux dernières expositions seront
évoquées plus loin, au chapitre IV.
(1) : Décret signé de la reine Wilhelmine.
(2) : C’est ainsi que l’histoire la nomma jusqu'à ce qu'intervînt la Seconde Guerre mondiale.