III - Conrad collectionneur > Conrad s'affranchit des idéologies
Conrad Kickert ressentit comme une libération cette découverte de la
nature, et surtout l’abandon d’une doctrine aussi aliénante que le
Cubisme, et aussi étrangère, pour ne pas dire hostile, aux leçons de la
nature. Il n’en vint pas pour autant à se soumettre à la dictature de
la lumière comme ses prédécesseurs impressionnistes qui, au regard des
grands maîtres du passé, pouvaient être estimés hérétiques. L’erreur se
dit-il est humaine, mais la mauvaise foi ne l’eut pas été. Il a donné,
du reste, un signe de son intransigeance à la fin de 1913 ou au début
de 1914, lorsqu’il résolut de détruire toutes ses œuvres cubistes, y
compris quelques-unes de celles qu’il avait déjà vendues et qu'il
racheta pour ne pas laisser d’exception. Il jugea comme un devoir
d’honnêteté vis à vis de ses collègues du MKK de
montrer le détour qu’il avait fait et d’affirmer avec force sa
conversion vers un art plus modeste dans ses prétentions que celles,
disons, de l’idéologie cubiste.
Les treize toiles qu’il exposa à Amsterdam à la fin de l’année 1913, se
rattachent à son expérience de Ploumanac’h dont les paysages sont le
sujet presque unique. Cette évolution fut jugée trahison, les scrupules
de Kickert apparurent comme des prétextes, et cela entraîna contre lui,
chez maints collègues néerlandais, une animosité durable.
Dès 1913, un incident représentatif de cette opposition se produisit
entre Gestel et Conrad. Dans sa thèse présentée à l’université
d’Utrecht (Pays-Bas), en 1995, Judith Wesseling le rapporte comme
suit : "En 1913, se créa le
Hollandsche Kunstenaarskring, constitué d’un certain nombre de membres
de Sint-Lucas qui le quittèrent après un conflit entre modernes et
conservateurs. La nouvelle association attira entre autres Gestel et
Sluyters. Conrad Kickert l’eut en travers de la gorge. Il écrivit à
Gestel en lui annonçant qu’il ne devait plus compter exposer au MKK.
Cela parut ne rester qu’un incident : Gestel, semble-t-il, ne
parla pas à d’autres de la lettre de Conrad Kickert et la déclaration
de guerre d’août 1914 détourna l’attention". Chez Gestel et chez plusieurs autres peintres du MKK cette
attention resta cependant bien vive : elle ne fut pas étrangère à
la discorde qui éclata deux ans plus tard lorsque Kickert voulut
réanimer le MKK en pleine guerre.