IV - Aux Pays-Bas pendant la guerre > Vie sociale à Texel
Les Kickert reçurent des visites à Geerteheem,
comme celles de Zus, la jeune sœur de Gée, ou celle du sculpteur
Bronner accompagné de Jo, sa femme, et de leur fille Hanna, âgée de
trois ans, pour un séjour de vacances. Bronner s’asseyait souvent avec
un livre sur un banc de bateau que Conrad avait placé contre le mur du
midi, une occupation qui étonnait les voisins : pourquoi sortir en
plein air pour lire et comment lire si longtemps ? Le couple
Niehaus, souvent invité, était plus actif et allait jusqu’à la Mer du
Nord, sur la plage de Koog, pour se baigner. Venait souvent avec eux,
le peintre van Deene, un beau-frère de Niehaus, qui avant la Grande
Guerre, avait travaillé à Paris et fréquenté l’atelier de Conrad.
A sept kilomètres environ, au sud-ouest de Geerteheem, en passant par Den Burg, se trouve une éminence sablonneuse (de Zandkuil),
d’où l’on a une belle vue sur le Texelstroom, la partie de la Mer du
Nord qui baigne Texel à l’est. A cet endroit, assez fréquenté par beau
temps, Kickert avait aussi acheté un peu de terrain, impropre à la
culture mais agréablement boisé, où l’on pouvait camper sous la tente.
L’endroit s’appelait Gheluwsteen, une dénomination dans laquelle les Kickert n’avait pas de part contrairement à celle de Geerteheem. Les Niehaus vinrent aussi à Gheluwsteen,
monter leur tente au voisinage de celle des Kickert. Celui-ci n’avait
pu s’empêcher de faire (et de faire faire) quelques aménagements sur
cette lande, notamment sur un chemin montant, sablonneux, qui s’en
trouva moins malaisé (pas au point cependant d’y risquer un fort
attelage !).
Kickert s’acclimatait à Texel, mais il ne se risqua pas tout de suite à y travailler. Il commença en 1917 par des dessins à Geerteheem, à Gheluwsteen et
dans les environs de Koog, Den Burg, Hoorn et Oudeschild. Il dessina
aussi des portraits de Gée et de Zus, et un troisième d’Aleyda, sa
fille, qui lui avait été confiée par Mary, probablement pour quelques
jours. En peinture, on ne compte, en 1917, qu’une vue sur le port de
Oudeschild faite à partir de Gheluwsteen (1) ; en 1918, deux paysages de Gheluwsteen et un seul de Geerteheem ; en 1919, il peignit jusqu’à cinq paysages de Gheluwsteen,
un tour d’horizon montrant successivement ce que le peintre voyait d’un
même point en pivotant, le premier paysage dans la lumière de
l’après-midi , les suivants recevant les rayons d’un soleil qui descend progressivement et qui est presque couché pour le cinquième (2).
Toutes ces vues avaient été précédées d’études, de format moindre, en
technique mixte (encre et aquarelle) qui indiquent les éléments du
paysage, mais sans l’effet de la lumière baissant progressivement.
Lorsque Kickert séjournait à Grootmeerhuizen,
dans la mauvaise saison, il se consacrait d’une part aux natures
mortes, en peignant cinq en 1917, huit en 1918 et cinq ou six en 1919
(de janvier à septembre), d’autre part aux toiles de grand format sur
lesquelles il ne pouvait travailler qu’en atelier comme "l'Arc-en-Ciel" et "le Coucher de soleil" cités plus haut : "le Grand Paysage" de 1918 (3), plus vaste que le précédent et, de la même taille, "le Déluge" (4),
probablement de 1919, où des hommes et des femmes nus escaladent des
rochers pour échapper à la montée des eaux. Comme les trois œuvres
ci-dessus, "le Déluge" s’inspire de Ploumanac’h. Pour clore cette liste, un nu (5)
où Gée servit de modèle. A l’exception de ce nu, les œuvres de cette
époque sont peintes dans des teintes sombres, essentiellement avec des
terres, comme l’ocre et la terre de Sienne, la priorité semblant
accordée à la construction, toujours rigoureuse et savante.
(1) : "Gheluwsteen, Texel" 1917 (49,5 x 55 cm) Opus 17-07.
(2) : Cinq Vues de Gheluwsteen 1919 :
I "le Champ de blé" 1919 (100 x 100 cm) Opus 19-05 ;
II "la Ferme" 1919 (100 x 81 cm) Opus 19-06 ;
III "la Carrière" 1919 (100 x 125 cm) Opus 19-07 ;
IV "Coucher de soleil" 1919 (100 x 81 cm) Opus 19-08 ;
V "Vue sur le port" 1919 (100 x 100 cm) Opus 19-09.
(3) : "Le Grand Paysage" 1918 (200 x
160 cm) Opus 18-05, paysage animé par saint Georges, le bon ange,
et Andromède, la victime que menace le terrible dragon.
(4) : "Le Déluge" 1919 (201 x 161 cm) Opus C.19-04.
(5) : "La Dormeuse" 1918 (115 x 155 cm) Opus A.18-12, musée de Belfort.