IV - Aux Pays-Bas pendant la guerre > Projet de financement du Cercle de l'art moderne
Il s’était tout de même préoccupé du financement de ses projets et
avait imaginé une solution. Il avait réuni le 24 juillet 1915 une
assemblée générale (1) du MKK qui
décida d’émettre un emprunt de vingt mille florins or divisé en cent
obligations de deux cents florins chacune, rapportant un intérêt annuel
de cinq pour cent. Cet emprunt serait gagé par soixante tableaux
fournis par les membres du MKK.
Ces œuvres seraient inaliénables, sauf pour servir à l’amortissement
des obligations, amortissement qui devait s’effectuer entre 1925 et
1935, à raison de dix obligations désignées par tirage au sort chaque
1er janvier. Entre 1915 et 1925, devaient s’achever la souscription des
obligations dans le public et le dépôt en gage des tableaux
correspondants. Un exemple chiffré donnera une idée du système :
supposons qu’en 1918 soixante obligations aient été souscrites et douze
mille florins or versés au MKK, de son côté le MKK aurait
dû avoir réuni en garantie trente-six tableaux, chacun valant un
trente-sixième de douze mille florins, soit trois cent trente-trois
florins (et le double en francs or). Le conflit mondial empêchant
d’obtenir des œuvres d’artistes français, Kickert aurait dû se rabattre
sur les collègues néerlandais. Or si Jan Toorop, Sluyters, Mondrian et
Gestel, les plus exigeants en 1911, prétendaient vendre une œuvre de
six cents à mille florins or, si Jacoba van Heemskerck atteignait les
trois cents florins or, les œuvres d’aucun autre, ni celles de Charley
Toorop, ni celles de Schelfhout ne pouvaient constituer le gage espéré.
En raison des exclusions et des dérobades, sur qui Conrad aurait-il pu
compter ?
Il avait probablement des projets grandioses pour asseoir le prestige du MKK,
sinon qu’aurait-il eu besoin de vingt mille florins ?
Malheureusement, il ne s’est pas expliqué là-dessus et n’a laissé aucun
écrit sur le sujet. On constate cependant qu’il a cru assez fort à la
nécessité et aux vertus de cet emprunt pour en préparer la réalisation
matérielle. Il fit imprimer un exemplaire modèle d’obligation, sur
grand papier pur chiffon au filigrane de van Gelder portant les
conditions de remboursement et assorti d’une feuille de vingt coupons à
découper lors des règlements semestriels d’intérêt. Il n’y manquait que
les signatures du président, du secrétaire-trésorier et d’un
commissaire.
En vérité, il manquait l’essentiel : la fourniture par les
collègues des tableaux gageant la bonne fin du remboursement. C’est
pourquoi le projet n’alla pas plus loin. Kickert aurait donc pu – et
peut-être aurait-il dû – renoncer à cette exposition du MKK en 1916. Mais il s’obstina à la réaliser et une fois de plus en assuma les frais.
(1) : Le nombre et le nom des personnes participant à cette assemblée ne sont pas connus.