IV - Aux Pays-Bas pendant la guerre > Contre-attaque médiatique de Conrad
Kickert se jugea fondé à répondre à la lettre ouverte de Cornelis Veth,
dans le même journal, dès la quinzaine suivante. Il le fit avec un ton
et des termes désobligeants, mais il élargit la portée de sa réponse en
lui donnant un autre destinataire : "Ce
n’est pas à vous que je réponds [...] Ce n’est pas vous qui avez donné
dans cet ordre les arguments, le même ordre exactement que celui suivi
par M. van den Eekhout dans sa petite feuille verte [...] Je vous défie
de nier que cela vient du peintre Jan Sluyters". Kickert
développe ensuite une critique de la génération d’artistes de 1870 avec
des remarques qui ne s’imposaient pas. Il arrive enfin à l’essentiel en
épinglant dans la lettre ouverte de Veth, la phrase qu’il estime
inspirée par Sluyters : "...nous nous moquons de vos artistes modernes répartis à travers l’Europe". Et il répond : "Nous,
nous ne nous en moquons pas. Le MKK n’est pas une association
hollandaise, au contraire, elle est internationale, un cercle très
restreint de peintres modernes et nous nous moquons des petits intérêts
des Hollandais en regard de l’importance du style universel qui va
naître". Sur la radiation de Sluyters et Gestel, il indique : "Ce n’est pas moi qui les ai radiés, mais en tant que secrétaire, je leur ai fait part de la décision prise par referendum".
La mention d’un référendum dans le contexte d’une assemblée générale
aussi réduite, paraît peu convaincante. Kickert explique ensuite que le
bureau de l’association devait être renouvelé dans son ensemble, qu’il
ne s’est pas présenté comme candidat à la fonction de
secrétaire-trésorier qu’il occupait alors et qu’il a été choisi comme
président, parce qu’en réalité il exerçait déjà la direction effective.
Une idée de Le Fauconnier, précise-t-il, à qui il attribue aussi la
proposition de porter Toorop à la présidence d’honneur et celle de
nommer des membres d’honneur, chacun d’eux représentant un art
différent. Pour finir, il s’étonne que Veth, l’informateur si bien
renseigné, ignore que derrière cette campagne contre la nouvelle
organisation du MKK, se trouve un spéculateur sur les œuvres de Sluyters et de Le Fauconnier, appuyé par un marchand de tableaux.
Avant publication, la réponse de Kickert fut communiquée par le Telegraaf à
Cornelis Veth et ce dernier demanda au journal d’ajouter à la fin du
texte une réponse supplémentaire. Il commence par critiquer le trop
long passage consacré par Kickert à la génération des peintres de 1870,
et il a raison d’en profiter. Puis il écrit : "Que mes renseignements soient venus du peintre Jan Sluyters, il l’a bien deviné".
En revanche, il demande ce qu’est ce référendum dont les membres
concernés ne savaient rien, pas plus que Toorop et Le Fauconnier. Sur
le rôle joué par ce dernier, il refuse d’y croire et interroge : "Qui
a nommé les nouveaux membres parmi lesquels l’un n’est pas
peintre ? Qui a décidé malgré tout que deux membres fondateurs
soient radiés parce qu’ils ont exposé ailleurs, ce que Kickert
(Domburg), Le Fauconnier (Indépendants), Toorop (partout) ont fait sans
punition ?"
Veth a raison d’insister sur ce point. Il le ferait difficilement sur
un autre car les raisons de fond qui ont conduit Conrad à "punir"
Sluyters et Gestel sont compréhensibles de la part de quelqu’un qui a
porté tout seul la responsabilité et les charges du MKK. Certes la forme juridique de ces décisions est discutable. De l’autre côté, que penser de ces membres du MKK auxquels
ont bénéficié les expositions de 1911, 1912 et 1913, le bruit favorable
qu’elles ont suscité, sans qu’ils se soient souciés de ce que cela
coûtait, du temps, des démarches, des voyages que cela nécessitait,
sans avoir jamais versé la moindre cotisation et qui, soudain, se
souviennent de statuts et de règlements pour s’en prévaloir ?