XI - Synthèses
> Survol de l'œuvre I
Le catalogue raisonné entrepris par la fille du peintre, recense
actuellement près de 2.000 tableaux. Toutes ces œuvres ont été
identifiées et enregistrées par elle sous un numéro d’ordre qui,
concernant les deux tiers d'entre elles, a été reporté au dos du
tableau, par ses soins (ou sous son contrôle direct). Pour le dernier
tiers, celles qui n'ont pas pu être tenues en main, leur création est
attestée par des preuves indiscutables (archives de Kickert ou
photographies qu’il avait conservées et souvent annotées). Il n’a pas
été tenu compte des œuvres (principalement des années 1911 et 1912)
qu’il a volontairement détruites. Aux tableaux dont on sait que Kickert
les a peints, il faudrait joindre ceux qu’il a vendus ou donnés sans en
garder la trace, ce qui porterait son œuvre à un total approchant deux
mille deux cents œuvres peintes. Cette estimation s’appuie sur les
constatations faites par sa fille, Anne, qui a vécu chez lui jusqu’en
1949, puis habité avec son mari à quelques centaines de mètres de la
rue Boissonade et lui rendait fréquemment visite.
Le nombre de dessins déjà recensés au catalogue, est de 483. Compte
tenu de la générosité avec laquelle Kickert en faisait cadeau, il en a
produit certainement plus de mille, tous (ou presque) tracés à l’encre
de Chine avec un bâtonnet de bois ; un petit nombre étant en outre
rehaussés d’aquarelle.
Pour rendre compte de l’énergie au travail de Kickert, il faut mettre à
part les périodes où des événements exceptionnels bouleversèrent sa vie
au point d’entraver l’artiste. Ceci se produisit lorsqu’il rompit la
vie commune avec Mary de Breuk (1915-1916), puis quand la santé de Gée,
sa seconde épouse, se détériora jusqu’à sa fin irrévocable
(1935-36-37), de nouveau avec l’abandon de Paris pour rejoindre et
assister ses compatriotes bloqués dans leur exode (1940), puis, en
1949, quand sa fille, qui avait partagé jusque-là sa vie quotidienne,
se maria et durant 1952 et 1953, lorsqu’il se brouilla avec elle à
propos de son installation à Paris. En tout, dix années où ses facultés
créatrices furent bridées et où sa production tomba à une vingtaine de
tableaux à peine. En exceptant ces pénibles années et en examinant sa
production à partir de 1920 où il avait retrouvé son atelier de
Montparnasse, jusqu’à 1964, année précédant celle de sa mort, plusieurs
périodes peuvent être distinguées :
De 1920 à 1934
(ceci correspond aux chapitres V et VI en excluant les trois dernières années)
570 œuvres sont produites, c’est-à-dire 38 par an durant ces quinze
années. Cette moyenne cache des différences importantes entre les
années en cause. Les années fécondes sont celles où Kickert a pu
séjourner quelques semaines hors de Paris. Son installation à Talou a
été favorable à son travail, mais beaucoup moins que ses équipées au
bord de la mer à Trébeurden (1923), à Honfleur (1925), à l’île d’Yeu
(1926), à Bréhat (1927), à Deauville ou à Saint-Tropez (1929), mais
aussi en montagne à Morzine (1928) ou tout simplement au bord d’une
rivière comme à Moret-sur-Loing (1927) ou dans le Lot (1932). Son
travail d’après nature lui permettait de donner à son retour dans son
atelier, une réplique de ses paysages ou marines, dans un format plus
important ; si bien qu’en définitive, il peignit en moyenne 28
paysages ou marines ces années-là, contre 17 les autres années. Le coup
de fouet donné à son activité favorisa encore son travail à domicile
puisqu’il produisit deux fois plus de natures mortes (12 en moyenne
contre 6 pour les années où il n’avait pas voyagé. Certes le temps
consacré à ces travaux empiéta un peu sur celui des portraits ou des
nus dont (toujours en moyenne) il ne peignit que 6 par an au lieu de 8
habituellement.
de 1938 à avril 1945 (en excluant l’année 1940)
(ces dates correspondent aux chapitres VII, VIII et IX, soit six ans et demi)
Kickert a peint 331 tableaux durant ce temps, donc environ 50 chaque
année, une moyenne en progrès, ce qui ne contredit pas les
constatations précédentes, car Kickert voyage, ou bien s’installe à
quatre cents, puis cinq cents kilomètres de Montparnasse. Il n’a jamais
exécuté autant de tableaux qu’en 1939, soixante et onze ! ni
autant bougé puisque cette année-là il est invité à Lorient, descend à
Quiberon, remonte à Granville, puis à Yport, va en juillet au Pyla,
pousse une pointe dans les Landes et enfin séjourne encore une ou deux
semaines dans le Tarn. De l’armistice de 1940 jusqu’en mai 1945, il
doit rester deux ans en Charente et trois dans le Cantal où il passe de
gorges escarpées à des sentiers de montagne, sans oublier de développer
ses relations avec les habitants qui l’ont si bien accueilli ; car
il a trouvé le moyen de s’installer un atelier à Aurillac où défilent
des élèves, la bourgeoisie et la gentry locales et il peut, comme il
l’a toujours fait, y exécuter des portraits, des nus, des compositions
à plusieurs figures ; il peint aussi des natures mortes et des
paysages au même rythme qu’au cours de la période précédente.
Evidemment il n’a plus l’occasion de faire des marines, mais il se
rattrape avec trois fois plus de nus et presque cinq fois plus de
portraits. Finalement l’aventure auvergnate lui permettra de produire
180 œuvres, soit près de soixante pour chaque année de séjour.