I - Conrad critique d'art > Paris : "Closerie des lilas"
En dépit de cette belle installation à Zandvoort, des considérations
professionnelles incitèrent Conrad à vivre et travailler à Paris. Au
début de 1909, il loua un atelier rue Lhomond non loin du Panthéon et,
pour se loger avec sa famille, une villa à Clamart (1).
Le court séjour fait en 1906 n’avait pu que lui confirmer ce qu’il
avait pressenti : l’air de Paris est indispensable à qui veut
créer car, en matière d’art et de culture, c’est la ville reine qui
attire des artistes du monde entier, les accueille d’où qu’ils viennent
et, par ce brassage et cette liberté, leur permet de donner le meilleur
d’eux-mêmes. Il nous est difficile, près d’un siècle plus tard, d’avoir
une idée de cette suprématie qui s’imposait à l’Europe et au Nouveau
Monde.
Kickert fut effectivement bien accueilli dans le milieu parisien, celui
des peintres, mais noua également d’autres relations. Comme le marché
des locations était très actif, Kickert se rapprocha du quartier de
Montparnasse, le sanctuaire, bien plus que Montmartre, de la vie
artistique. A l’automne 1911 il abandonna l’atelier de la rue Lhomond,
pour un autre, plus spacieux, au 26 rue du Départ, et il quitta Clamart
pour habiter 33 avenue du Maine, tout près de son nouvel atelier, un
domicile qu’il abandonna le 23 novembre 1912 pour le 110 de l’avenue
Denfert-Rochereau. Il avait exposé au salon des Indépendants quatre toiles (2) dès 1910, puis deux natures mortes en 1911 et une figure en 1912 "le Dieu Kuan-Yin" (3). Au salon d’Automne, en 1911, il avait aussi envoyé une nature morte (4).
Il rencontrait de nombreux collègues à la Closerie des lilas
(un café-restaurant qui prospère encore à l’angle du boulevard
Montparnasse et de l’avenue de l’Observatoire) moins pour y boire un
verre que pour se joindre au groupe de poètes et d’artistes qui
entourait Paul Fort (5) ; ce
dernier y tenait ses assises le mardi. C’est Schelfhout vivant à Paris
avec ses parents depuis 1902, qui introduisit Kickert dans ce groupe
dès son premier séjour en 1906. Dans les années suivantes, Conrad put,
outre Paul Fort, y rencontrer Guillaume Apollinaire, Roger Allard,
André Salmon et bien sûr les cubistes : Le Fauconnier, Gleizes,
Léger, Metzinger, Delaunay ou encore Pascin. Conrad recevait chez lui
le dimanche ; des Hollandais bien sûr, heureux de trouver un accueil au
cours de leurs pérégrinations parisiennes, mais aussi beaucoup de
Français. Citons le substitut Granié qui fréquentait les salons
intéressants afin d’y recueillir les derniers secrets ou potins qu’il
savait distiller ensuite, "l’homme le plus spirituel de Paris" aux dires de Guillaume Apollinaire.
(1) : Rue du Guet, n° 6.
(2) : "Coin ensoleillé" 1910 Opus A.10-08 ;
"Mary dans le jardin" 1909 (88 x 66 cm) Opus 09-01 (cf. note 9) ;
"Pommes et vase breton" 1910 Opus A.10-06 ;
"Coquelicots" 1910 Opus A.10-07, n° 1144 du salon des Indépendants.
(3) : "Le Dieu Kuan-Yin" 1912 Opus A.12-05.
(4) : "Coin d’atelier" 1911 Opus A.11-01, n° 780 du salon d'Automne.
(5) : Ses vers excellents et sensibles lui avaient mérité le surnom de "Prince des poètes".