III - Conrad collectionneur > A l'Acacia de Victor Hugo
Conrad Kickert quitta le 15 janvier 1914 son domicile du 110 rue
Denfert-Rochereau où il n’avait emménagé qu’à la fin de novembre 1912,
pour s’installer boulevard Raspail au n° 229, dénommé généralement
"A l’acacia de Victor Hugo" ;
un retrait de sa façade par rapport au trottoir du boulevard, trop
petit pour en faire un jardin, abritait tout de même un modeste acacia.
Le motif pour lequel cet arbre était associé au nom de Victor Hugo
n’apparaît pas très clairement, mais les habitants du quartier tenaient
à cette désignation valorisante. Pour Conrad l’intérêt d’y habiter,
outre la proximité du centre vivant de Montparnasse, venait de ses
dimensions (sur deux niveaux superposés et reliés par un escalier
intérieur) suffisantes pour abriter à la fois son domicile et son
atelier. Jusque-là son atelier, au 26 rue du Départ depuis l’automne
1911, avait toujours été assez proche, mais séparé des lieux qu’il
habitait avec sa femme et sa petite fille.
Le soin qu’il mit à s’installer, à accrocher les œuvres de sa
collection particulière pour que chacune soit exactement mise en
valeur, fut à coup sûr aussi consciencieux que d’habitude. Il
consacrait à ces problèmes autant d’attention qu’il en apportait en
peinture à disposer une nature morte, à choisir l’angle de vue d’un
paysage, à mettre en page une composition à plusieurs figures, à y
distribuer la meilleure lumière. Ses amis admiraient et redoutaient un
peu – et leurs épouses davantage – son souci de leur suggérer une autre
disposition pour leurs meubles, un autre arrangement pour leurs
bibelots. A condition d’accepter son parti pris purement esthétique et
de négliger la commodité, la sécurité, l’origine familiale,
l’attachement sentimental, les suggestions de Kickert étaient fondées
et judicieuses. Un motif supplémentaire de les trouver exaspérantes...
Kickert avait évidemment consacré le même soin auparavant à l’installation de Huize ten Duyne,
sa villa de Zandvoort dont il avait dû se séparer malheureusement en
1912, pour réparer les brèches que son mécénat avait faites dans sa
fortune. Quant à l’appartement du boulevard Raspail, c’est la guerre
qui en priva Kickert.