IV - Aux Pays-Bas pendant la guerre > Jan Sluyters croise le fer contre Conrad Kickert
Le 4 novembre 1915, Jan Sluyters à son tour occupe les colonnes du Telegraaf, estimant nécessaire d’éviter de se fourvoyer "à ceux qui ne savent pas encore à qui ils ont affaire avec M. Kickert".
Pour les éclairer, il publie trois lettres. Celle de Kickert du 16 mai
1915, évoquée ci-dessus, informant Sluyters et Gestel "qu’étant
donné votre participation à l’exposition d’une société adversaire du
MKK, qui n’a pu avoir lieu que grâce à votre participation, j’ai
l’honneur de vous informer que vous ne serez plus considérés comme
membre du MKK. Avec la plus grande considération, l’organisateur,
Conrad Kickert."
La deuxième lettre datée du 24 juin 1915, est une réponse de Toorop à une lettre de Sluyters : "Il
y a eu une assemblée du MKK dirigée par Kickert à laquelle je ne suis
pas allé et je ne sais donc rien de l’affaire au sujet de laquelle vous
m’écrivez. Je suis encore membre du MKK, mais je ne suis plus
président. Kickert semble avoir modifié le MKK et, à cette assemblée,
on m’a nommé président d’honneur. Je vais envoyer votre lettre à
Kickert et vous recevrez bien une réponse de sa part à vos questions.
J’ai beaucoup regretté d’apprendre par votre lettre que Gestel et vous
ne soyez pas restés membres du MKK, comme vous me le racontez.
Cependant Kickert doit bien lire votre lettre et convoquer une
assemblée à ce sujet. Je vais en même temps lui demander, parce que
j’ignore tout de cette affaire, comment il se peut qu’il l’ait traitée
ainsi. Avec mes amicales pensées. Jan Toorop". Sluyters commente
cette lettre, soulignant que le président, cinq semaines après
l’événement, semble ne rien savoir de la radiation de deux membres
(décision prise par un vote, d’après Kickert) alors qu’on l’a mis au
courant de sa nomination comme président d’honneur et de la
réorganisation. Si cette radiation était justifiée parce que les
intéressés n’avaient pas le droit d’exposer à Amsterdam ailleurs qu’au MKK –
un tel règlement n’existe pas – il est extraordinaire que ni Kickert,
ni Toorop ne disent un mot de ce règlement. Sinon, le président ne
dirait pas qu’il va demander au secrétaire comment il a pu traiter les
choses comme il l’a fait. Sluyters évoque le cas de Le Fauconnier qui a
exposé à l’automne 1914 aux Indépendants d’Amsterdam, sans qu’on ait émis la moindre protestation à ce propos.
La troisième lettre du 5 juillet 1915, vient de M. Wijnschenk-Dom, secrétaire-trésorier du MKK, saisi par un monsieur F. d’une lettre que lui a adressée Sluyters et qui demande au MKK d’y
répondre directement. Le secrétaire-trésorier répond donc à Sluyters
sans simplifier cette correspondance émaillée d’initiales qui cachent
on ne sait qui : "Votre lettre
du 18 juin dernier à M.J. Toorop, a été traitée par "Z. Ed." afin
d’étudier la réponse de notre association. C’est ainsi que nous avons
l’honneur de vous faire savoir..." en résumant :
1°) vous faites remarquer que les statuts du MKK ne
comportent pas de dispositions concernant les radiations, vous ne
pouvez pas en même temps prétendre que ces radiations sont contre les
statuts ;
2°) l’action que vous reprochez à M. Kickert d’avoir prise de sa propre
autorité, a été sanctionnée par l’accord unanime de notre assemblée ;
3°) l’assemblée annuelle a estimé que le fait d’avoir exposé des œuvres au Hollandsche Kunstenaarskring était intolérable de la part d’un membre de notre association ;
4°) enfin, aucun des membres ne semble attacher de prix à vous garder dans l’association ;
"…c’est pourquoi, nous ne voyons pas
de motif de vous envoyer la "réhabilitation" que vous demandez. Pour le
MKK, votre serviteur etc."
Sluyters commente :
- sur le 1°) Belle excuse en vérité ! Ici chaque membre peut-être
radié, car il n’est inscrit nulle part que c’est interdit ;
- sur le 2°) l’accord de l’assemblée générale sur l’action arbitraire
de Kickert, m’invite à regarder qui était présent à cette assemblée. Je
compte deux membres anciens, MM. Weyand et Kickert et deux membres
nouvellement désignés, MM. Lau, peintre et Wijnschenk-Dom qui ne l’est
pas. M. Le Fauconnier n’a pas été consulté pour l’acceptation de ces
membres, dont la nomination n’est pas règlementaire. Or ces deux
nouveaux membres ont voté la radiation des deux anciens, non admis à
l’assemblée pour se défendre. Ce sont les quatre membres qui ont
remanié les statuts, se sont nommés l’un secrétaire, l’autre
commissaire et ont proposé à sept personnalités d’être membres
d’honneur, ce que six d’entre eux ont accepté.
Sluyters ne commente pas les paragraphes 3 et 4 dont les conclusions
sont pourtant fondamentales. Son commentaire du paragraphe 2 expose que
le fait de n’avoir pas consulté Le Fauconnier – qui n’assistait pas à
l’assemblée – sur les nominations des deux nouveaux membres, rend
celles-ci invalides, donnant de ce fait à un membre, absent comme
beaucoup d’autres, un pouvoir qui n’existe dans aucune sorte
d’association. Enfin il oublie (!) que Peter Alma, membre du MKK depuis 1912, participait à l’assemblée du 14 juin, alors que Wijnschenk-Dom, dans une lettre à Cornelis Veth publiée par le Telegraaf du
28 octobre, une semaine avant l’article de Sluyters, avait donné la
liste des membres ayant participé à cette assemblée, ce qui lui permet
d’oublier que c’est donc Kickert et Alma, tous deux peintres et
néerlandais, qui ont nommé deux nouveaux membres, peintres et
néerlandais l’un et l’autre, Lau et ten Holt, alors que M.
Wijnschenk-Dom qui est en effet littérateur, les avait rejoints comme
secrétaire-trésorier.