IV - Aux Pays-Bas pendant la guerre > Réorganisation du Cercle de l'art moderne (MKK)
Avant de songer à équilibrer ces charges, Kickert pensa d’abord à renforcer l’assiette du MKK pour
le défendre contre la compromission de certains membres avec des
groupes concurrents et dont l’engagement en faveur d’un art
véritablement moderne lui apparaissait douteux. Il avait confirmé sa
lettre de 1913 à Gestel et la menace de ne plus être autorisé à
participer aux expositions du MKK s’il soutenait le Hollandsche Kunstenaarskring et
la renforça puisqu’il écrivit le 16 mai 1915 non seulement à Gestel,
mais aussi à Sluyters, qu’ils ne seront plus considérés comme membres
du MKK pour le même grief. Il
fit approuver cette décision par une assemblée. Il se doutait bien que
d’autres peintres néerlandais, par solidarité avec les radiés ou tout
bonnement par hostilité contre lui, quitteraient le MKK.
Pour renforcer cette association, il fit approuver (par la même
assemblée) trois mesures. La première était d’en prendre lui-même la
présidence en élevant Toorop à la charge flatteuse, mais purement
nominale, de président d’honneur, ce qui correspondait au seul rôle
qu’effectivement il avait joué depuis le début. Celui-ci se jugeait
déjà très occupé par ailleurs et n’aurait pas souhaité faire face à des
conflits. La deuxième résolution fut de chapeauter le MKK par
un comité d’honneur de six membres : le poète Vervey ;
l’architecte Berlage, célèbre pour la construction de la bourse
d’Amsterdam ; le directeur du Rijksmuseum, le jonkheer (1) van Riemsdijk ; le commissaire de la reine pour la Hollande du Nord, le jonkheer Roëll ; le directeur de l’Académie royale des beaux-arts,
Dr A.J. der Kinderen ; pour finir, Willem Royaards, auteur
dramatique. Le premier nommé ci-dessus, le poète Vervey, peut-être
impressionné qu’on fit appel à lui à côté de personnages officiels si
titrés, ou simplement surpris d’en être avisé par un télégramme de
Kickert, chercha à savoir de quoi il en retournait et s’en enquit
auprès de Toorop qui lui répondit le 26 juin (2) : "…
Kickert a sûrement reçu ta réponse. Je ne suis plus président depuis la
dernière assemblée. Cela me fatiguait. Le Moderne Kunstkring est
entièrement réorganisé. On m’a offert la présidence d’honneur que j’ai
acceptée. Quelques peintres ont démissionné ; malgré tout, le
corps subsiste avec, autour de Kickert, plusieurs jeunes déjà membres
ainsi que quelques nouveaux associés (quelques Russes et un
Hollandais). Kickert reste naturellement l’organisateur. [...] Le
télégramme a été envoyé par Kickert aussitôt après la dernière
assemblée. Je n’y assistais pas, mais j’étais au courant pour les
membres d’honneur et je trouvais cela parfait (3). C’est pourquoi
Kickert l’a signé avec nos noms (le sien et le mien). C’est donc comme
si j’avais moi-même expédié le télégramme et l’avais signé. Nous
considérons comme un honneur que tu acceptes cet honorariat. Nous
allons bien et j’espère qu’il en est de même chez vous..."
Vervey fait bien partie en effet de la liste du comité d’honneur imprimée sur une page de garde du catalogue du MKK (1915-1916 n° 2).
La troisième décision prise par l’assemblée annuelle (outre celle de
radier Sluyters et Gestel) fut celle de nommer plusieurs membres à côté
de ceux figurant déjà en 1913. Ces nouveaux membres ont été
indubitablement choisis pour renforcer le caractère international de
l’équipe : pour deux Néerlandais, ten Holt et Lau qui remplacent
les deux exclus, deux Russes sont promus, Kontchalowsky et Machkoff, un
Français, Gromaire. Certes le poste de secrétaire que tenait jusque-là
Conrad, était repris par un Hollandais, Wijnschenk-Dom, baptisé
secrétaire-trésorier, mais il était littérateur.
(1) : Ce titre peut se traduire par
"chevalier". Encore que rare, il est le plus répandu dans la noblesse
néerlandaise. Cette dernière compte en outre quelques barons et
exceptionnellement un comte. En revanche tous ces titres sont
authentiques.
(2) : Lettre reproduite dans
l’ouvrage du Dr Mea Nijland-Vervey sur la correspondance d’Albert
Vervey avec différents auteurs et artistes de ses amis (Van Gorcum -
Assen - 1959).
(3) : Dans le texte original, le mot hollandais "uitstekend" (parfait) est souligné par Toorop.