VI - Talent reconnu > Inauguration du Musée de La Haye
L’exposition internationale du Carnegie institute se tint du 17 octobre
au 8 décembre. Kickert y montra la belle nature morte exposée l’année
précédente au salon d'Automne (1).
Le catalogue de Pittsburgh en donna une reproduction, l’une des cent
dix-huit qui l’illustraient, choisies entre les trois cent
soixante-cinq œuvres exposées, et la seule parmi les huit peintes par
des Néerlandais. Cette toile revint en France, y fut vendue et ne
réapparut qu’en 1992 en vente publique, à Nice.
Au salon d'Automne, Kickert envoya seulement des "Fleurs" (2).
Il avait bénéficié l’année précédente du règlement qui autorisait les
sociétaires à envoyer, de temps à autre, un ensemble d’œuvres pouvant
constituer tout un panneau, ce qui rendait mieux compte de leur talent
et de leur activité. De toutes façons, Conrad n’aurait pu profiter à
nouveau de cet avantage, faute d’œuvres à fournir, car il n’avait peint
que vingt-quatre tableaux au long de l’année (3).
Les alarmes que causait la santé de Gée le hantaient. Il se sentait, de
plus, coupable de son impuissance à la soulager ou à lui procurer au
moins des conditions de vie plus larges. Il avait fait aux Pays-Bas, au
printemps, plusieurs portraits dont celui de Riet Ouendag qui lui fut
réglé par mensualités. Un effort auquel Conrad rendit hommage dans une
lettre (4) : "Le règlement
mensuel de vos tableaux est providentiel. Avec les soucis financiers en
plus, Gée n’aurait pas tenu le coup. Elle est épuisée".
Les nouveaux bâtiments du Musée de la ville de La Haye avaient été
inaugurés en juin. Leur architecte, le Dr H.P. Berlage, avait disparu
le 12 août de l’année précédente à l’âge de soixante-dix-huit ans.
Certes, il n’avait pu présider aux derniers travaux et aménagements,
mais il avait imposé sa marque dès l’origine dans ses plans de 1921. Et
voici que quatorze ans plus tard, le musée étonnait par son modernisme,
non seulement dans la technique ingénieuse et presque révolutionnaire
qui gouvernait la distribution de la lumière sur les œuvres, mais aussi
dans l’enchaînement grandiose des salles et même encore dans la
répartition entre les surfaces bâties et les espaces à ciel ouvert
réservés au gazon, aux plantations, aux pièces d’eau.
Que représentait, dans ce superbe bâtiment, la donation de
Kickert ? La question est complexe et demande des développements
auxquels il faut faire leur place même en débordant l’année 1935.
Conrad se réjouit de voir son geste généreux accepté et il ne s’attacha
pas à le solenniser par un contrat, ni à demander reçu de ses dons ou
dépôts. Cependant, en 1966, le conservateur du musée de La Haye fournit
à la demande de la fille aînée de Kickert, après la mort de celui-ci,
une liste dactylographiée des œuvres constituant la donation
Conrad-Kickert. Le document se recoupe assez bien avec les lettres de
Knuttel à Kickert et avec les notes éparses de ce dernier : il
détaille les œuvres (auteur, titre, technique employée, dimensions et
numéro d’enregistrement), ce qui permet de les identifier avec
précision. Cependant, l’inventaire est quelquefois en défaut, notamment
à propos des œuvres de la main de Kickert, car il en recense huit au
lieu de seize. Erreur d’autant plus surprenante que les seize œuvres
figurent bien sur une liste concernant spécialement Kickert, jointe au
même courrier.
Avec cette rectification, la Donation Conrad-Kickert aurait comporté
cent deux tableaux. Le nombre parait faible : lorsque Conrad avait
offert à ses collègues de joindre une de leurs œuvres à sa collection,
il leur avait écrit que celle-ci en comptait déjà une centaine en 1918.
Or la liste de 1966 recense une trentaine d’œuvres obtenues par la
collecte de 1934.
Quoi qu’il en soit, le public lors de l’inauguration du nouveau musée à
la fin de juin 1935, ne vit aux cimaises que soixante-dix-sept œuvres
en provenance de Kickert. Elles sont répertoriées dans le catalogue que
le musée édita pour la circonstance. Il faudrait en soustraire les
treize œuvres de la main de Kickert, désignées comme des achats. Enfin,
il faut considérer successivement les œuvres de l’ancienne collection
(vingt-trois) et celles qui avaient été réunies récemment (quarante et
une).
(1) : "Poissons, gibier et fleurs" 1934 (155 x 115 cm) Opus 34-06.
(2) : N° 298 du catalogue du salon d'Automne.
(3) : Il est vrai de grande taille, pour certains des répliques de toiles peintes en Haute-Savoie, en décembre 1934.
(4) : Lettre de CK à Wim Ouendag du 20 août.