VI - Talent reconnu > Exposition chez Vecht à Amterdam
Au printemps, "The Cliff", en
provenance de Pittsburg, exposa son rocher et ses baigneuses à San
Francisco, du 15 mars au 25 avril, ce qui montre l’intérêt que
suscitaient, aux USA, les toiles rassemblées par le Carnegie institute.
La San Francisco Art association, fondée en 1871, la seconde en
ancienneté aux Etats-Unis, disposait dans son musée d’un kilomètre de
cimaises.
C’est au même moment et presque date pour date que Kickert montra chez Vecht à Amsterdam (1)
des "œuvres récentes". Celles-ci étaient en effet postérieures à la
précédente exposition de Conrad chez Vecht, à l’exception de "L’Odalisque" qui avait déjà été présentée au salon d'Automne de 1928 (2).
Le reste s’étageait de 1932 à 1934, ce qui permettait de montrer des
paysages de Nemours, du Lot, de l’île d’Yeu, de Saint-Jean-Cap-Ferrat
et de Châtel. Parmi les figures, un portrait de "Mrs Hennessy" (3) que le Telegraaf (4)
ne manqua pas de reproduire, parce qu’il s’agissait d’une belle œuvre
et aussi d’une très jolie femme. Kickert avait fixé ses traits avec le
souci habituel d’en privilégier le caractère et la construction, mais
cette fois sans durcir, ni vieillir le modèle. Le Nieuwe Rotterdamsche
courant (plus communément NRC), exposa dans son long article que
Kickert surprend – agréablement – par sa technique approfondie et ses
couleurs riches où l’on peut retrouver la tradition hollandaise. Une
même satisfaction se fait jour dans le Hollandsch Weekblad (5)
qui se félicita de ne pas trouver dans sa peinture la trace des modes
du temps, et encore moins "l’imitation plus ou moins visible des
Picasso, Léger, Matisse, van Dongen, Laurencin, Chagall, etc.", comme
d’avoir vu dans son atelier de la rue Boissonade "des meubles anciens,
un vieux lustre hollandais... et de bons tableaux anciens et
modernes...sans figures mathématiques, découpures de journaux, morceaux
de machines..., ni de ces femmes aux yeux étranges, trop
maquillées" ; il se réjouit également de l’absence de fauteuil de
dentiste nickelé !
Ce critique aurait été heureux des tableaux que Conrad montra à la "Société nationale" (6) où il exposa une seconde et dernière fois, un grand paysage de Haute-Savoie (7) et une marine du Cap-Ferrat. Ces œuvres furent en général vantées comme larges ou puissantes ou vigoureuses. Comœdia (8) parla même de grandeur, ce qui compensa la mauvaise humeur du Temps (9) qui trouva "des paysages lourds et spleenatiques" (sic), là où Chavance (10) vit "des fureurs romantiques" et Edouard Sarradin (11) un Conrad Kickert "qui renoue en sa technique substantielle la tradition d’un Courbet". Art et industrie de juin signala "deux beaux envois de Kickert" et illustra son article sur la Nationale en reproduisant une nature morte (12)
de Conrad qui pourtant n’avait pas été exposée là. Ce mensuel se
rattrapa en publiant dans son numéro de décembre, un long article de
Nesto Jacometti intitulé très sobrement CONRAD KICKERT, où
l’enthousiasme éclatait, dans un style malheureusement emphatique. On y
retrouvait néanmoins le peintre tel qu’en lui-même grâce aux
illustrations : quatre photographies, une par page, signées Marc
Vaux, reproduisant "le Lever", la "Tempête à Deauville", "L’Araignée de Mer" (13) et le "Tunisien" (14).
Nesto Jacometti avait précédemment rédigé une biographie de quinze
pages qui ne fut jamais éditée, mais dont l’article d’Art et industrie
s’inspire largement (Wim Ouendag avait étudié, à la demande de Conrad,
une éventuelle publication de ce travail. Le coût était élevé, compte
tenu de la faible diffusion à attendre).
En juin, un séjour en forêt de Fontainebleau (15)
apporta un dérivatif aux manifestations artistiques qui, tant aux
Pays-Bas qu’en France, avaient occupé le temps et l’esprit de Kickert.
Il y était reçu en famille, chez les Lecaron. Bien que Gée s’y fût bien
reposée aussi, elle se retrouva le 9 août sur une table d’opération
pour l’ablation d’un ganglion infecté qui fut suivie d’un long
traitement aux rayons X. Elle devait pour cela se rendre régulièrement
à l’hôpital Saint-Antoine. Comme, de ce fait, elle ne pouvait pas
emmener Titanne au bon air, ce fut Conrad qui accompagna l’enfant à
Florac (16) en septembre.
Kickert et Osterlind avaient là-bas de nombreuses relations. En premier
lieu, le Docteur Söderlindh, un oculiste (on ne parlait pas encore
d’ophtalmologiste) et sa femme, Suzon. Ils avaient prêté à Kickert une
dépendance à flanc de montagne, un pigeonnier, dont il fit son atelier
durant son séjour. Une autre maison, le Château, s’ouvrit fréquemment à
lui et à Titanne, celle de Charles Pomaret, un parlementaire qui fut
ministre, chez qui se retrouvaient Renée Vautier, Xavier Mélet le mari
de Jeanne Lanvin, et les Osterlind. Kickert, après son retour à Paris,
fit les portraits de Pomaret (17) et de Mélet (18).
(1) : Art gallery, Rokin 30, Amsterdam.
(2) : "L'Odalisque" 1928 (73 x 92 cm) Opus 28-09. Cf. supra, année 1928, p. 254, et note 12.
(3) : "Mrs Hennessy" 1934 (92 x 73 cm) Opus A.34-19.
(4) : Du 27 avril.
(5) : Du 30 mars.
(6) : Du 30 avril au début juin.
(7) : "Les Alpes" 1935 (114 x 146 cm) Opus 35-01.
(8) : Du 30 avril.
(9) : Du 3 mai.
(10) : In la Liberté du 2 mai.
(11) : In le Journal des débats du 16 mai.
(12) : "Poissons avec la cruche grise" 1923 (73 x 92 cm) Opus 23-17, coll. particulière aux Pays-Bas.
(13) : "L'Araignée de mer" 1933 (65 x 81 cm) Opus A.33-21, musée de Rotterdam (Kunstverbond).
(14) : Trois de ces œuvres
ont été évoquées supra, successivement : "le Lever" année 1924, "la
Tempête" années 1929 et 1930, "le Tunisien" année 1933.
(15) : A Brolles, 77570 Bois-le-Roi.
(16) : En Lozère, 48400 Florac.
(17) : "Charles Pomaret" 1935 (81 x 65 cm) Opus A.35-17.
(18) : "M. Xavier Mélet" 1935 (81 x 65 cm), Opus A.35-18.